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Benjamin Stora (France)

Les Guerres sans fin. Un historien, la France et l'Algérie de Benjamin Stora-Stock


Juin 1995. A peine remis d'un quadruple pontage coronarien, Benjamin Stora reçoit sur son répondeur l'étrange message d'un homme récitant des versets du Coran. Le lendemain, l'historien trouve dans sa boîte aux lettres un petit cercueil. Dans les jours qui suivent, les coups de fil anonymes se succèdent. La menace devient plus sérieuse encore quand la France est frappée, à partir du mois de juillet, par une série d'attentats islamistes. La DST conseille aux Stora de partir à l'étranger. Ils choisiront d'abord la Suisse, puis le Vietnam, où ils resteront jusqu'en 1997.


Les années ont passé, mais Stora, aujourd'hui âgé de 57 ans, a gardé de cet exil forcé la conviction qu'"écrire sur l'Algérie, ses rapports avec la France, ensanglantés et passionnés, reste un exercice périlleux". Tel est le fil rouge du bel essai d'ego-histoire qu'il publie aujourd'hui sous le titre Les Guerres sans fin. Un texte qui s'inscrit dans un cycle autobiographique inauguré avec La Dernière Génération d'Octobre (Stock, 2003), où l'ancien militant revenait sur son engagement trotskiste, et poursuivi avec Les Trois Exils (Stock, 2006), dans lequel l'enfant de Constantine convoquait la mémoire familiale pour brosser l'histoire des juifs d'Algérie.

Tout essai d'ego-histoire, c'est la loi du genre, comporte des figures imposées. Benjamin Stora s'en acquitte avec talent, rendant hommage à ses maîtres (à commencer par son directeur de thèse, Charles-Robert Ageron, mort le 3 septembre), saluant les lectures décisives (notamment celle d'Aux origines du FLN, de Mohammed Harbi, paru en 1975) et retraçant pas à pas son parcours de chercheur, de ses premiers travaux sur ce "personnage maudit" du nationalisme algérien que fut Messali Hadj, à ses écrits plus récents sur l'histoire de l'immigration et la mémoire de la guerre d'Algérie.

S'il est emblématique d'une certaine évolution de l'historiographie contemporaine, marquée depuis les années 1980 par la réhabilitation du genre biographique et par un intérêt croissant pour l'histoire de la mémoire, ce parcours est aussi fait des inévitables ruptures et désaffiliations qu'implique pour un jeune militant politique le choix du métier d'historien. Juif pied-noir sans nostalgie pour l'Algérie française, pourfendeur de la colonisation sans indulgence pour le FLN, avocat de "l'oubli nécessaire" face aux zélateurs du devoir de mémoire, Benjamin Stora évoque sa "position singulière" dans "le champ académique français" avec un mélange d'amertume et de fierté. Avec lassitude, aussi, à l'égard de ces "groupes de mémoires" qui, "frappés d'une maladie qui leur ronge le coeur et qui s'appelle mélancolie", ne sont pas prêts à "éteindre cette guerre sans fin". le monde


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